Francis Joyon : la mer m a laissé passer

Quelques heures après son exploit planétaire en 57 jours 13 heures 34 minutes et 6 secondes c est un Francis Joyon fatigué mais souriant et détendu qui s est plié à l exercice de la conférence de presse d après mer. Ovationné debout par 160 journalistes le skipper du trimaran IDEC a de nouveau salué son  super bateau . Extraits thématiques.

Quelques heures après son exploit planétaire en 57 jours13 heures 34 minutes et 6 secondes c est un Francis Joyon fatigué mais souriant et détendu qui s est plié à l exercice de la conférence de presse d après mer. Ovationné debout par 160 journalistes le skipper du trimaran IDEC a de nouveau salué son super bateau . Extraits thématiques.

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Les dernières heures du recordn L arrivée dans la nuit était un peu délicate. J avais abordé le plateau continental avec une grosse densité de bateaux de pêche et j ai été obligé de me dérouter deux fois pour éviter des bateaux : d abord un bateau de pêche puis un cargo qui est passé seulement une dizaine de mètres derrière mon bateau. C étaient encore des moments impressionnants. C est relativement rare de devoir se dérouter comme cela surtout deux fois en si peu de temps.

L accueil et la ferveur populaire à Brestn J ai l impression d être arrivé sur la lune ! Arriver à Brest avec toute cette foule de gensc est une chose que je n avais jamais connu auparavant. La ferveur et la chaleur des Brestois m ont impressionné

Un résumé du parcours ?n C est un peu difficile ! J ai eu la chance de bénéficier d un bateau qui permet de naviguer vite longtemps et sur de grands trajets. Il faut imaginer un véliplanchiste qui ferait une glissade ininterrompue à travers les océans. L indien a été très rapide. Dans le Pacifique j ai du batailler un peu plus avec des phénomènes météo très complexes qui m ont obligé à descendre très sud avec une journée spéciale où j ai vu 5 icebergs dans la même journée ça commençait à être un peu inquiétant. J avais du mal à voir les différences entre les crêtes de vagues et les glaces. Je suis passé assez rapidement au cap Hon et après dans la remontée de l Atlantique j ai découvert ce que c était de s arrêter. Puisj ai eu beaucoup de vent debout auquel les trimarans ne sont pas vraiment adaptés. Ensuite malgré les soucis techniques le bateau a réussi à rentrer. Ca n a pas été facile tous les jours mais je suis très content d être là avec vous aujourd hui.

Le secret de Joyon ?n Je ne sais pas si j en ai un et quand on est fatiguéon peut vite devenir mystique il faut faire attention ! rires Peut-être que j ai su respecter les éléments avec un bateau qui ne polluait en rien alimenté par des dispositifs écologiques. Peut-être que j ai eu le respect de la mer et que c est pour ça qu elle m a laissé passer.

Le plus difficile ?n Le plus dur c était les ascensions du mât pour tenter de réparer cette avarie sur la fixation du hauban en particulier la première montée sur une mer croisée. J étais très secoué je n arrêtais pas de me cogner au mâtc était vraiment dangereux

Le routage de Jean-Yves Bernot ?n Jean-Yves a fait beaucoup de navigation en équipage. Parfois il dit : dans 24 heures tu es sensé être plus de 600 milles plus loin… Il met la barre un peu haut ! Lui il réagit toujours sur 100% du potentiel. Il m exprimait la capacité du bateau à être à tel ou tel endroit à une échéance en fonction des champs de vent. Et ça m incitait à y aller

Ellen MacArthur et Thomas Covillen Merci à eux aussi. Sans Ellen le bateau n aurait pas existé car si elle n avait pas repris ce record il y a trois ans il n y aurait pas eu de raisons d y retourner. Grâce à Thomason a été appelés à faire un bateau le plus performant possible. Il a élevé l exigence.

Le bateau justement ?n C est tout juste si je ne me suis pas fait tirer les oreilles par mes architectes qui m ont dit que j étais allé trop vite que je n avais pas respecté le programme du bateau rires! Plus sérieusement Nigel Irens et Benoît Cabaret ont fait un travail extraordinaire. Le bateau a une capacité incroyable à passer dans les vagues de manière harmonieuse. Je n avais jamais connu ça auparavant et c est aussi ce qui permet d aller vite. Mais c est toute une équipe

L équipen Les architectes les constructeurs du bateau des mâts des voiles qui rentrent sans aucune déchirure ni usure tous se sont donnés à fond. Je pense encore à Marsaudon Compositesà Christophe Houdet tout le monde Une équipe extraordinaire. Il y a eu beaucoup de passion beaucoup de plaisir. C est ce qui fait qu IDEC est réussi. Et que c est un super bateau.

La confiancenJe pensais que la probabilité de battre le record était d une chance sur trois ou quatre. Le simple fait de réussir à boucler un tour du monde en multicoque sans avarie et sans s arrêter n est même jamais gagné d avance avant de parler de record .

La Météon Jusque dans l Indien oui c était glisse et vents favorables même s il y a toujours les difficultés inhérentes à ce genre de parcours. Le Pacifique a été normalement difficile et l Atlantique a été beaucoup plus difficile que la moyenne. Un momentil faut sans doute payer quelque part les facilités que la nature nous a offert auparavant. C est la remontée de l Atlantique la plus laborieuse que j ai jamais faite

Pensé à l abandon ?n A l Equateur après l avarie sur le hauban j ai imaginé un moment aller dans l archipel de Fernando de Noronha pour aller travailler dans le mât mais c était quand même à 400 milles Au pire je serai reparti en course après un arrêt technique mais je n ai jamais imaginé abandonner.

Le bilan du bateau propre sans énergie fossile ?n J avais des appareils qui dépensaient le moins possible. Un bateauc est comme une île et comme la planète : il faut protéger l environnement mais aussi d abord moins consommer les énergies non-renouvelables. Ca a très bien fonctionné avec mes batteries toujours chargées à fond. Le bilan est extrêmement positif : 20 kg d éolienne 20 kg de panneaux solaires et 15 litres de méthanol pour la pile à combustible c est beaucoup plus léger qu un moteur et tous ses litres de carburant. Et c est une satisfaction de faire ça dans un bon esprit en essayant d avoir l impact le plus réduit possible sur la planète.

Le futurn J essaierai probablement Cadix-San Salvador des records dans le Pacifique et probablement tenter de reprendre celui des 24 heures à Sodeb O.

Le bateau va vous manquer ce soir ?n Je ne vais pas en être loin très longtemps. J ai monté la plupart des pièces moi-mêmec est une présence au quotidien Je vais m occuper de lui dès qu il sera rentré à la Trinité.

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ILS ONT DIT :

Patrice LafarguePDG d IDECnFaire un tour du monde en solo sur un multic est au-delà du sport. C est une aventure. Avec Francisnous avons une vraie histoire d amitié basée sur des valeurs partagées. J ai la chance d avoir rencontré un Monsieurquelqu un qui me passionnesimple et réservé ça fait du bien de rencontrer des gens comme luiatypiques. Il nous a fait un tour du monde fabuleuxil n y a pas de mots pour décrire ça. Quand il est partij ai eu de l appréhension.. quand quelqu un part comme çavous voulez qu il revienne. Le record est fabuleuxextraordinaire mais je suis surtout content de revoir Francis. L avenir ? On pourra faire de belles choses encore ensemblemais c est trop tôt pour en parler et on est des enfants gâtésil nous a battu tellement de records

Jean Todtparrain de l ICM et du trimaran IDECn J ai toujours nourri une grande admiration pour ce risque que prennent les marinssurtout en solitaire. J avais été ébloui par la performance d Ellen MacArthurje suis super ébloui par celle de Francis. J ai eu la chance de l avoir à deux reprises au téléphonepar hasard dans des moments difficiles et il était étonnant de calme. Je l ai suivi avec beaucoup d émotionadmiratif du courage qu il fautd autant que moi je n oserais même pas traverser le lac du bois de Boulogne à la voile Plus sérieusementpour réussir le projet de l ICMon a besoin de grandes personnalités comme Francis

Professeur Gérard Saillantfondateur de l ICM et parrain du trimarann J ai vécu ce tour du monde comme chacun