Paris-New York en pédalant pour lutter contre le gaspillage

Baptiste Dubanchet : le point un mois après le départ

Pour sensibiliser contre le gaspillage alimentaire, Baptiste Dubanchet s’est lancé dans un grand périple entre Paris et New York, à vélo et en pédalo. Pendant cette aventure longue de 10 000 kilomètres, ce jeune diplômé d’un Master en Développement Durable ne se nourrit que d’aliments destinés à la poubelle et de produits dont la date limite d’utilisation optimale (DLUO) est dépassée… et qui restent pourtant parfaitement consommables ! Un mois jour pour jour après son départ de Paris, Baptiste Dubanchet pédale toujours. Et ce n’est pas la grosse tempête qu’il a du affronter ces derniers jours en Espagne qui le fera renoncer. Interview.

 

Baptiste, où en êtes-vous de votre périple, un mois après votre départ de Paris ?

« Je suis arrivé à Guadalajara et je n’aI plus que 60 kilomètres à faire pour atteindre Madrid ce soir (lundi 6 février). Jusqu’à Pampelune tout se passait très bien, mais ces cinq derniers jours j’ai du affronter une très grosse tempête qui m’a fait prendre un jour de retard sur le tableau de marche que j’avais prévu. Avancer était très difficile et par moments carrément impossible ! J’avais le vent de face, complètement contraire à ma route. En bateau, on peut composer avec ça en tirant des bords, mais pas en vélo où il faut bien suivre la route ! J’ai été carrément bloqué par moments, devant même parfois m’abriter tant bien que mal derrière les glissières de sécurité et devant souvent marcher à côté de mon vélo tant pédaler devenait impossible. J’ai eu des jours vraiment difficiles et à part quelques œufs je n’ai plus de nourriture, donc je dois aller faire de la récup’ sur les marchés, ou demander à des magasins s’ils peuvent me passer les produits qu’ils s’apprêtent à jeter à la poubelle. »

La récup’, c’est ce que vous faites tous les soirs ?

« En général, j’ai deux jours d’autonomie en nourriture avec moi. La plupart du temps j’arrive dans une ville un peu avant la fermeture des magasins et des marchés et je demande les produits périmés. J’explique bien mon projet, je précise bien que je ne fais absolument pas ça pour manger gratuitement, mais pour qu’on prenne conscience de l’énorme gaspillage alimentaire. J’ai fait beaucoup d’interventions dans les écoles et je milite toujours, quand les journalistes m’interrogent, pour que le maximum de gens signent la pétition qui demande le retrait des DLUO (Date limite d’utilisation optimale). Nous avons recueilli déjà 600 signatures et la pétition est en train d’être traduite dans les 24 langues européennes, pour qu’elle soit encore plus relayée et diffusée. Trop de gens s’imaginent encore que les DLUO sont équivalentes aux DLC (date limite de consommation), alors que même une fois passée la date de DLUO, la plupart des produits secs dont le riz, les céréales, les lentilles ou encore le miel et le chocolat sont encore parfaitement consommables. Cela entraîne un gaspillage alimentaire énorme.»

Comment va s’organiser la suite de votre périple, à vélo par les terres puis à travers l’Atlantique en pédalo?

« A part ces derniers jours avec la tempête où il y a eu des moments horribles avec à peine 40 km parcourus –dans des vents contraires qui ont soufflé parfois de 80 à 120 km/h ! – en général j’arrive à couvrir entre 60 et 100 kilomètres par jour. J’ai prévu d’atteindre Gibraltar vers le 18 février. Il y a trois grandes phases dans mon projet : la première est Paris-Gibraltar à Vélo, la deuxième est la traversée de l’Atlantique en pédalo entre Agadir et Miami, et la troisième se fera à nouveau à vélo, entre Miami et New York, où je devrai arriver vers la mi-septembre. Pour le moment je dois donc boucler la première phase Paris-Gibraltar. Ensuite, la traversée de l’Atlantique commencera fin mars ou début avril, au départ d’Agadir. Cette partie maritime devrait durer un peu moins de trois mois, le record est à 70 jours mais je ne cherche pas à battre de record, ce n’est pas une course. A bord de mon pédalo, je mangerai uniquement des produits qui vont d’ordinaire à la poubelle : une partie sera lyophilisée, mais je mangerai aussi du riz dont la DLUO est dépassée depuis 2006 ou encore, par exemple, cette boîte de conserve que l’on m’a donnée ici en Espagne et que les gens craignent de consommer parce que la date indique 2014.»

L’appellation DLUO est appelée à disparaître au profit de DDM qui veut dire « date de durabilité minimale », qu’en pensez-vous ?

« Que cela ne fera qu’embrouiller encore plus les gens. Moi je milite pour la suppression de la DLUO, pas pour la remplacer par un autre terme encore moins compréhensible ! Quand on y réfléchit bien, l’expression « de préférence avant » veut bien dire aussi que le produit peut rester consommable après ! »

C’est une expérience engagée que vous menez. Comment allez-vous physiquement, un mois après votre départ ?

« Physiquement ça ne va pas si mal, malgré ces derniers jours de tempête où j’ai dû me rationner un peu en nourriture. Je me sens bien, j’ai dû perdre un petit peu de poids, mais j’ai encore un peu de gras (rires) ! »